La Bouée de Fort Mahon Plage

Histoire engloutie de la Bouée de Fort Mahon Plage

Article de Johann RAUCH paru le Mercredi 4 janvier 2006 dans le journal d’Abbeville

 

L’archéologie, les sites historiques, les musées, les archives… ont cette faculté particulière de réussir à lever un coin du voile sur les énigmes du passé, faire parler les mémoires enfouies et parfois même révéler des secrets ancestraux.

Seulement, il demeure toujours cette ombre énigmatique qui fait que les recherches ne sont jamais terminées, qu’il manque souvent une pièce, même infime, qui laisse une part de mystère au passé.
Les rivages de Fort-Mahon avaient bien livré quelques bribes de leur histoire, cependant le groupe de plongée “Épave 62” (Pas-de-Calais) est allé plus loin que ce dont se souvient la mémoire collective.

 

L’Elbe engloutie

Au début des années 90, Jean-François Jeu, moniteur de plongée, séjourne à Fort-Mahon et s’intéresse à l’épave sous-marine, dont tout un chacun a toujours entendu parler sans en avoir un véritable aperçu. La Marine, par exemple, connaît l’existence de cette épave matérialisée en surface par une bouée.
Aussi, avec quelques adeptes de plongée de l’association “Épave 62”, et alors que l’État permet enfin de travailler autour des épaves contemporaines (moins de 100 ans), Jean-François Jeu entreprend des travaux de recherches autour du bateau, qui se situe à quelque 500 mètres de la côte, et à seulement une quinzaine de mètres de profondeur.

L’approche est plutôt laborieuse, à cause des flots houleux de la Manche, mais le navire commence à livrer sa vraie identité. Allié à un travail de recherches d’archives et de collecte de témoignages locaux, le groupe découvre la passionnante histoire de ce navire baptisé : “l’Elbe”.

 

Navire belge aux mains du Reich

Ce que tout le monde pensait être un chalutier allemand, est à l’origine un remorqueur civil belge, nommé “l’Elbe”.
Le navire fuit le port d’Anvers lors de l’invasion allemande, puis est rappelé pour le repli des troupes anglaises au départ de Dunkerque. En pleine débâcle de mai 1940, la rade dunkerquoise est bombardée et l’Elbe en partie coulé.

Lorsque l’armée allemande met en place l’occupation, elle récupère le navire et le réarme, afin de compléter une flotte de 600 vaisseaux nécessaires au Reich pour atteindre l’Angleterre.
L’Elbe bat alors pavillon allemand.

 

Coulé par les pilotes Andrews et Jean Maridor

Le 6 octobre 1942, deux avions anglais quittent la Grande-Bretagne, afin d’attaquer la base aérienne allemande de Ligescourt, à côté de Crécy-en-Ponthieu. Les pilotes sont le Britannique Adrews, et le Français Jean Maridor.

Alors qu’ils traversent la Manche au ras des flots, ils aperçoivent à l’approche des côtes françaises l’Elbe au large de Fort-Mahon, escorté d’un torpilleur allemand. Les deux pilotes abandonnent leur cible crécéenne pour bombarder ce remorqueur.

L’Elbe sera coulé en deux attaques. S’il n’y a plus aucune trace des archives allemandes concernant cette bataille, les archives britanniques ont permis au groupe d’études d’Épave 62 de mettre la main sur le film de ce bombardement. En effet, à chaque utilisation des armes, les avions équipés de caméras ont enregistré la scène.

Depuis, le navire long de 25 mètres, gît par une quinzaine de mètres de fond, dans un relatif bon état. Le bateau est complet. Les plongeurs ont même pu constater que la chambre des machines était restée intacte.

– Johann Rauch –

 

Histoire d’un héros


Jean Maridor est né le 24 novembre 1920 à Graville (Seine-Maritime). Issu d’une famille de classe moyenne, il demeure dès son plus jeune âge subjugué par l’aviation. À 12 ans, il reçoit son baptême de l’air, et tandis qu’il suit une brillante scolarité, il décroche le certificat d’études avant d’être inscrit à l’Ecole supérieure du Havre, où il s’ennuie prodigieusement. Il quittera cette voie pour un emploi de garçon coiffeur à côté de l’aérodrome du Havre, ce qui le pousse à investir son argent de poche dans l’apprentissage du pilotage. Il fera d’ailleurs ses armes sur les fameux avions Caudron.

En décembre 1936, il devient le plus jeune pilote de tourisme de France, et le 6 septembre 1937 il réussit le périple Dieppe – Abbeville – Berck – Le Havre. La même année, il rencontre Antoine de Saint-Exupéry. 1939 il s’engage dans l’armée de l’Air, la montée de l’Allemagne nazie gronde sur la France. Il quitte l’Hexagone le 24 juin 1940, en compagnie de cinq pilotes français pour rejoindre les camps militaires britanniques.

Jean Maridor s’illustre alors dans de nombreuses batailles, notamment l’attaque du remorqueur allemand l’Elbe au large de Fort-Mahon, le 6 octobre 1942.

Le 8 mai 1943, Jean Maridor est distingué de la Croix de la Libération, il participe au D-Day le 6 juin 1944. Mais le 3 août 1944, il prend en chasse un V1 au-dessus des falaises de Rye, celui-ci menace de s’abattre sur la ville de Benenden et plus particulièrement sur l’école et l’hôpital mitoyen. Jean Maridor réussit à neutraliser la bombe au prix de sa vie, car son avion s’écrase.

Aujourd’hui encore, la ville entretient la mémoire de Jean Maridor